lundi 26 décembre 2011

les Drapeaux de la contestation russe

Vous le savez, depuis quelques jours se déroulent de gigantesques manifestations en Russie, de Moscou à Vladivostok, ville de Sibérie orientale. La contestation du résultat des élections législatives du 4 décembre 2011, remportées par le parti de Vladimir Poutine a jeté des milliers de contestataires dans les rues, à l'instar des révolutions arabes de 2011. Pour le moment , tout se déroule à peu près sans trop de violences, mais personnellement je suis très pessimiste sur la tournure que pourraient prendre les évènements.
  Toutefois, la politique n'est pas mon objectif dans ces pages. Vous avez peut-être comme moi été intrigué par la débauche de drapeaux et d'armoiries inconnus que l'on peut voir dans les cortèges des opposants ! Les russes aiment l'héraldique (voir mon article spécial Russie), c'est bien connu , et aussi les bannières, apparement, mais là, on est un peu perdu  !! 
Drapeaux oranges portant le mot "Solidarité" et drapeau de la Russie actuel

Drapeau portant l'emblême héraldique de Vladivostok  : le tigre de Sibérie















Le plus remarquable est ce drapeau aux couleurs noir-jaune-blanc qui a une vague ressemblance avec celui de l'Allemagne.
Il est présenté comme étant celui des nationalistes, de mouvance d'extrême droite. Il est vrai que le look de certains manifestants qui le brandissent ne laisse aucun doute sur leurs opinions !

Comme il porte par moments, les anciennes armoiries tsaristes, j'ai voulu en savoir davantage, à commencer par identifier ces armoiries.
Il s'avère qu'elles remontent au Tsar Paul Ier (règne : 1796-1801) et elles ont eu cours pendant tout le XIXè siècle jusqu'à la Révolution de 1917.
Armoiries * de la Russie ,  XIXè siècle
l'aigle impériale est bicéphale et porte trois couronnes , le sceptre et l'orbe.
les blasons sont ceux des principautés associées à l'Empire:  de  droite à gauche et de haut en bas :
      I. D'argent au basilic de sable, couronné, becqué et armé d'or, lampassé, ailé et dardé de gueules (pour le Royaume de Kazan). 
     II. D'azur au cimeterre d'argent mis en fasce, garni d'or avec une poignée pommelée du même, surmonté d'une couronne fermée d'or (pour le Royaume d'Astrakhan).
     III. De gueules à l'aigle éployée d'argent, becquée et membrée d'or (pour le Royaume de Pologne).

     IV. D'hermine à deux zibelines affrontées de sable, tenant chacune d'une patte antérieure une couronne antique à cinq pointes d'or et, de l'autre, deux flèches en sautoir, pointes en bas, de gueules, ainsi qu'un arc en fasce, corde en bas, du même (pour le Royaume de Sibérie).
     V. D'or à l'aigle bicéphale byzantine éployée de sable, les têtes couronnées d'or, becquées et membrée du même, armée et lampassée de gueules, chargée sur la poitrine d'un écusson d'azur bordé d'or à la croix orthodoxe du même (pour le Royaume de Tauride Chersonèse ( aujourd'hui appelé Crimée).
     VI. Écartelé et enté en pointe avec un écusson en cour (pour le Caucase) :
     au 1, de gueules au cheval gai et cabré d'argent, accompagné de deux étoiles à huit rais du même, posées l'une en chef à senestre, l'autre en pointe
à dextre, le tout d'argent (pour l'Ibérie).
     au 2, d'or au volcan de sinople allumé de gueules, transpercé de deux flèches de sable en sautoir, les pointes en chef (pour Kartaline).
     au 3, d'azur à deux flèches d'argent passées en sautoir, les pointes en chef, chargées d'un écusson d'or au croissant tourné de gueules, cantonné en chef et en flancs de trois étoiles facettées à six rais d'argent (pour la Kabardie en Caucase).
     au 4, d'or au lion rampant de gueules couronné du même (pour l'Arménie).
     au 5, enté en pointe : d'or au cavalier tcherkesse armé de toutes pièces, vêtu d'un manteau de sable et habillé de gueules, tenant une lance du même sur l'épaule droite, sur un cheval courant de sable (pour la Circassie et les Princes des Montagnes).
     au 6, le tout chargé en cour d'un écusson : d'or au Victorieux Saint Georges Martyr armé de toutes pièces d'argent avec une croix d'or sur la poitrine et une cape de gueules, sur un cheval cabré de sable, sellé de gueules avec une bordure d'or, terrassant un dragon de sinople ailé de sable, allumé et lampassé de gueules, la tête percée d'une lance de gueules (pour le Royaume de Géorgie).
     VII. Les armes des Principautés anciennes-unies de la Russie.
     Parti :
     au 1, d'azur à l'Archange Saint Michel d'argent nimbé d'or, tenant à dextre un glaive flamboyant de gueules et à senestre un bouclier du même (pour le Grand-duché de Kiev).
     au 2, de gueules au léopard lionné d'or, couronné d'une couronne d'acier, tenant à dextre une longue croix d'argent (pour le Grand-duché de Vladimir).
     au 3, enté en pointe: D'argent au trône d'or au coussin de gueules, portant croisés en sautoir un sceptre et une croix d'or, sommé d'un chandelier à trois branches du même avec trois bougies allumées, supporté par deux ours affrontés et levés de sable, à une champagne d'azur aux deux poissons affrontés d'argent (pour le Grand-duché de Novgorod).
 VIII. De gueules à l'image du Victorieux Saint Georges Martyr armé de toutes pièces d'argent, portant une cape d'azur, sur un cheval cabré d'argent, sellé de gueules avec une bordure frangée d'or, bridé et criné du même, terrassant un dragon d'or, ailé de sinople en champagne, avec une lance terminée d'une croix orthodoxe d'or (pour la Grande  Principauté de Moscovie [Moscou]). 
 IX. De gueules parsemé de huit roses d'argent au lion d'or couronné d'une couronne ducale du même, tenant dans la patte dextre une épée d'argent, et dans la senestre un cimeterre d'argent, tous deux garnis d'or, la garde pommelée du même, le lion posant sa patte arrière dextre sur le cimeterre (pour le Grand-duché de Finlande).
A noter dans cette interminable énumération  que la Pologne et la Finlande étaient annexées à l'époque à l"Empire de Russie avant de devenir indépendantes après le conflit de 1914-1918. De même pour l'Arménie et la Géorgie qui par contre, n'ont retrouvé leur indépendance définitive qu'en 1991.
(*) il existe de Grandes Armoiries contemporaines à celles-ci, avec encore davantage de blasons de provinces associées.

Revenons à notre drapeau : il a été institué le 11 juin 1858 par décret du Tsar Alexandre II. Le décret a été approuvé par le Conseil d'Etat, sur ​​le rapport du ministre de la Cour Impériale le comte V. Adlerberg. Le créateur du drapeau était probablement un certain Koehne,  admirateur de l'héraldique allemande.





Ce petit flash-back dans l'histoire européenne à travers les actualités était bien utile. Contrairement à la Libye où le vieux drapeau de la monarchie d'avant Kadhafi se refait une nouvelle vie, il est fort peu probable que ce drapeau tsariste redevienne officiel ! Mais on ne peut rien prévoir dans les révolutions. Je vais tenter d'en savoir davantage sur d'autres bannières présentes dans les défilés de nos amis russes...




3 commentaires:

  1. Hérald,
    Il y a quelques jours, tu suggérais qu'on te sollicite pour quelques sujets. J'avais péparé un long courrier, que j'ai perdu en faisant une fauss' manip', car mes vieux doigts sont gourds (pas si vieux, mais certainement gourds) . Je profite de te les renvoyer pour te dire tout le plaisir, quasiment quotidien, que j'ai à feuilleter tes pages. Je suis d'une génération qui ne "lâche pas ses com"" à tour de clavier, mais c'est à chaque fois un bonheur d'ouvrir ton site, que Daniel Juric m'a permis de découvrir. Ah oui, c'était au sujet des sapins : il y avait le dernier en date, celui de la commune picarde de Francières (80), approuvé par le conseil municipal en octobre 2011, mais Noël est passé, il n'a plus d'intérêt. On verra pour les chênes à la Saint-Louis !
    Par contre, pour les sujets que tu pourrais peut-être évoquer il y a, en vrac : la Mort, les chameaux/dromadaires, les enquerres nulles et les enquerres d'école, les licornes, les femmes, les croissants entrelacés, les associations lune/soleil, les comètes, les lions "différents" (couards, diffamés, mornés, défaits, coiffés, fourchus...) , les coqs, les sirènes, les rencontres, et aussi les émaux "tolérés" comme le tanné (ou tenné), l'acier ou l'oranger, ou rares comme le pourpre, ou le carnation. Les blason plains (ou pleins) peuvent aussi faire l'objet d'un sujet, comme les blasons surchargés ! Tiens, en tapant cette liste, je me rends compte que l'héraldique est un monde d'hommes. Me trompé-je ? Je pense que Mireille Louis est une exception
    Bon, c'es bien assez comme ça : bon courage et bonne année. Et surtout, merci !

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  2. Merci Jacques pour tous ces éloges !
    Je suis très heureux de te compter parmi mes lecteurs assidus, car je sais que tu es un promoteur actif de l'héraldique dans ton beau département de la Somme. Parmi les sujets que tu cites , je vais en traiter certains très prochainement , de manière détournée ou directe!
    Bonne année , d'azur semée d'étoiles et de soleils ! pour toi et tes proches...
    HD

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  3. A la liste (c'est vrai très courte) des dames héraldistes, il y a lieu d'ajouter Suzanne Gauthier (+ 1981).
    Elle a laissé une série d'armoiries (parmi d'autres) dans "la mission de Jeanne d'Arc" (ouvrage paru en 1977).

    Cordialement, meilleurs voeux.

    Dominique Delgrange, Lille

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